Boun Abdallah Dionne : Les effets d’un départ du Pouvoir 

lundi 11 octobre 2021 • 2722 lectures • 1 commentaires

Politique 2 ans Taille

Boun Abdallah Dionne : Les effets d’un départ du Pouvoir 

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Numéro deux de l’Exécutif de juillet 2014 au 28 octobre 2020, Mahammad Dionne s’est emmuré dans le silence depuis son départ du Secrétariat général de la Présidence de la République. Effets négatifs d’un éloignement du Pouvoir. 

Le présage semble être renvoyé à quelques calendes qu'on ne verra peut-être jamais. Mahammad Boun Abdallah Dionne, dauphin du Président Sall ? Son probablement remplaçant à la tête du pays, augurait-on. La cohue semble dissolue, le temps révolu. Pourtant l’époque, faîte d’une loyauté jamais constatée dans l’entourage du chef de l’Etat, était faite de halos lumineux, de succès politiques à la fois brillants et bruyants. Premier des ministres, tête de liste de la majorité aux Législatives de 2017, patron du directoire de campagne du candidat Macky Sall, réélu à 58, 26 % à la Présidentielle de 2019,… l'auréole dont les peintres coiffe les champions n'était qu'une petite représentation de l'aura de Mahammad Dionne au sein de la majorité au pouvoir depuis 2012. Fidèle dans sa conduite de l’action gouvernementale, aux engagements pris, Boun Dionne était l’incarnation du guerrier, du haut-gradé qui ne rechigne jamais à descendre sur le terrain pour défendre ses hommes et surtout… son chef. Un officier aux ordres  dont le métier était plus de faire la guerre aux adversaires et non la paix avec ceux qui travaillent à prendre la place de son patron. 
Mais tout cela, c’était avant que le Président ne décide de la suppression du poste de Premier ministre au tout début de son mandat en cours. Bien avant que l’Assemblée n’adopte à une très large majorité, le 4 mai 2019, cette réforme controversée. Entre-temps, Boun Dionne est passé ministre Secrétaire général de la Présidence de la République, avant de quitter définitivement le pouvoir en octobre 2020. Depuis, c’est silence radio. Une seule sortie officielle au lendemain des émeutes de mars dernier. Et, puis l’ex-PM est encore entré en hibernation. A quelques mois des Locales de 2022, l’absence de Mouhammad Dionne est comme un chuchotement discret qui court le long des travées de l’arène politique qui se prépare à de terribles joutes électorales, dont les salves se répondent déjà d'un camp à l'autre. 

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«Il est au chômage»

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 QUE DEVIENT BOUN DIONNE ? Dans l’entourage de l’ancien n°2 de l’Exécutif sénégalais  - du juillet 2014 au 28 octobre 2020 – la réponse est parcimonieuse. «Il est à Dakar», balance-t-on, comme pour ne pas «troubler» le repos du guerrier dont l’excès d’engagement auprès du chef avait eu raison de sa santé. A part quelques voyages à l’étranger et à Gossas, sa terre natale et fief politique, c’est à Touba que se rend le plus souvent l’ex-chef du gouvernement, souffle-t-on. Mais, même hors du pouvoir, Boun Dionne serait encore en contact permanent avec le Président de la République. «Mahamad est en chômage», taquine un proche collaborateur du chef de l’Etat, avant de revenir sur un ton beaucoup plus sérieux, plus solennel. «Des gens comme Mahammad Dionne, on en voit rarement en politique. Certes, on ne l’entend pas dans les médias, mais il reste très impliqué dans la gestion du pays.» Mais jusqu’à quel niveau ? Est-il consulté par le chef de l’Etat avant de prendre certaines décisions.  «Ça, je ne saurais vous le dire», conclut cet agent plus que secret du Palais. 


EFFETS DU SILENCE DE l’EX-PM. Si dans l’entourage de l’ancien chef du gouvernement, comme de l’actuel chef de l’Etat, on hésite peu ou prou à évoquer le sujet Boun Dionne, pour des raisons qui leur sont propres, pour les politologues, l’absence de l’ex-occupant de la Primature est sujette à débat. Pour Dr Momar Thiam, enseignant-chercheur en marketing politique, le silence de Boun Dionne dans ce mutisme ambiant qui accompagne tous les autres ténors (Amadou Ba, Aly Ngouille Ndiaye, Makhtar Cissé, Oumar Youm…) qui ont sorti de l’attelage gouvernemental, donne l’impression qu’il y a des règles préétablies pour qu’ils ne s’expriment pas trop dans les médias. «Mais qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, le silence de l’ancien Premier ministre pèse un tout petit peu, se demande Dr Momar Thiam. Comme Premier ministre, Dr Thiam rappelle qu’il a été le coordonnateur de l’action gouvernementale. C’est lui qui allait au front. Et c’est lui qui orchestrait pratiquement toute la politique que le Président voulait mettre en place. «Il avait cette faculté communicative à expliquer cela et à prendre les devants. Au delà, il protégeait même la personne du président de la République. Pour exemple, lors de l’élection présidentielle de 2019 où il a pris sur lui pour annoncer avant tout le monde les résultats. Il a été traité de laudateur et il a assumé. Quand il est sorti du Gouvernement sa première sortie, c’est lors des condoléances du chef de l’Etat à la famille de feu Pr Iba Der Thiam. Il avait pris la parole au nom de la famille. Le symbole était fort. Malgré son mutisme, on pense qu’il est toujours dans les bonnes grâces du président de la République. Il garde toujours cette attitude, cette dynamique de loyauté», explique Momar Thiam. 


«Le Président a perdu un grand défenseur»
Pour le Dr Momar Thiam, il y a un vide communicationnel qui est là et qui fait qu’avec l’absence de Dionne, l’action gouvernementale ne se trouve pas érigée en termes de communication, non seulement auprès des médias, mais aussi de l’opinion. «Puisque Mohamed Boun Abdallah Dionne a cette faculté communicative autant en Français qu’en Ouolof. Mais aussi cette technicité dans l’utilisation des termes et dans l’explication pédagogique qui font que quand il parle, il est écouté et il est entendu. C’est un handicap assez fort au sein de la communication gouvernementale, du parti et même dans celle du président de la République parce qu’aujourd’hui, on n’en trouve pas d’autres», soutient Dr Momar Thiam. Non sans faire savoir que Boun Dionne n’était pas là seulement pour protéger le président de la République, parce que c’est son ami, mais à chaque fois qu’il veut démontrer quelque chose il use de ses capacités techniques pour pouvoir l’expliquer. Aujourd’hui, d’après Dr Momar Thiam, c’est un handicap assez lourd pour le président de la République de ne plus avoir cette voix qui peut être communicative et convaincante dans les termes. Momar Thiam : «Forcément, la communication du gouvernement et du président de la République vont pécher à ce niveau-là. A partir du moment où ce silence pèse et pèse davantage et qu’on s’achemine vers des joutes électorales, le président de la République verra effectivement qu’il y a un vide communicationnel qui creuse davantage le fossé entre l’opinion dans sa compréhension et dans sa perception du travail gouvernemental et le Gouvernement. Boun Dionne dans son travail faisait tout pour réduire cette distanciation». 
«Son silence a un impact négatif dans la Com’ du gouvernement»


MOT D’ORDRE ? Une analyse que partage le journaliste-formateur, Ibrahima Bakhoum. Pour l’analyste politique, il y a un également un vide laissé par le départ de l’ex-PM. «Son silence est surprenant parce qu’il se réclamait publiquement d’être le ‘’Baye Fall’’ du Président Macky Sall. Il était toujours prêt à aller au charbon. Il était fidèle et loyal à Macky et n’hésitait pas à descendre au plus bas pour le défendre. Depuis qu’il a quitté l’attelage gouvernemental, on ne l’entend plus et il n’est plus au-devant de la scène ni au plan institutionnel encore moins au plan politique. C’est donc surprenant qu’on ne l’entende plus. S’agit-il d’un mot d’ordre ou d’une stratégie ? En tout cas, son silence à provoquer un vide dans les explications des actions gouvernementales au niveau de l’opinion». Mais pour Ibrahima Bakhoum, son silence peut être une stratégie payante dans cette période de confusion, d’invectives, etc. «Si on le laisse à l’écart pendant un moment, sa sortie peut avoir de la valeur. Je ne crois pas que son silence soit une sanction. Mais dans tous les cas, son silence a un impact négatif dans la communication gouvernementale, même si les répondeurs automatiques ne sont pas les meilleurs communicants. Seulement, le Président a perdu un grand défenseur.» Surtout que indique Dr Momar Thiam : «Comme il n’y a pas une voix assez haute et assez forte qui peut porter l’action gouvernementale, alors qu’on s’achemine vers des élections locales qui peuvent être un test petite nature des prochaines Législatives et même de la Présidentielle de 2024. Il faut une voix pour faire voir et faire miroiter les réalisations du régime actuel. C’est cela la difficulté depuis que le président de la République a supprimé le poste de Premier ministre et qu’il a éloigné la personne de Mohamed Boun Abdallah Dionne de l’action gouvernementale.»
FALLOU FAYE

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Publié par

Namory BARRY

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