Entretien : Le Pr Abdoulaye Sakho fait feu de tout bois

mercredi 17 novembre 2021 • 2317 lectures • 1 commentaires

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Entretien : Le Pr Abdoulaye Sakho fait feu de tout bois

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Professeur agrégé de Droit privé, spécialiste en Droit économique, Abdoulaye Sakho explique, dans cet entretien avec L’Observateur, l’impossibilité pour l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) de pouvoir contrôler la totalité de tout ce qui est numérique.

De l’avis du directeur fondateur du master droit de la Régulation, ce qui est, peut-être envisageable, c’est le fait de demander au régulateur d’avoir un œil sur les supports des applications numériques. Fondateur du master droit du sport, Professeur Abdoulaye Sakho est revenu sur la gestion de notre sport, notamment la fédération sénégalaise de foot, mais également l’organisation des Jeux olympiques par le Sénégal etc. 
Entretien. 

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M. Sakho, l’Etat du Sénégal veut que l’Artp contrôle la totalité de ce qui concerne le numérique. En tant qu’ancien président de la structure, qu’en pensez-vous ? Est-ce une bonne initiative ?

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Je ne parle surtout pas en tant qu’ancien président de la structure, mais plutôt comme un chercheur. S’il s’agit de contrôler la totalité de ce qui concerne le numérique, ce sera difficile. Car, à l’opposé des télécommunications, le numérique n’est pas un secteur d’activités, c’est la nouvelle forme d’expression des activités humaines. Il innerve tous les secteurs. Donc vouloir faire de l’Artp le gendarme de tout cela serait impossible. En revanche, s’il faut demander au régulateur d’avoir un œil sur les supports des applications numériques, cela peut être envisageable, car il s’agit de la technologie et de ses progrès. Par exemple, dans les applications numériques des services financiers aux consommateurs, il est possible d’envisager que le régulateur du numérique s’occupe du support, de la technologie et que le régulateur financier s’intéresse au produit final, à savoir la monnaie à faire circuler. J’ai publié, depuis 2015, un papier sur ces questions dans une revue française.


On se rend compte également qu’au Sénégal, il y a peu de sanctions par rapport aux opérations de téléphonie, par exemple sur les problèmes de réseau ou autres. Qu’est-ce qui fait que l’Artp ne parvient pas à gérer toutes ces situations ?


Je ne crois pas que l’absence de sanction soit un signe d’une mauvaise gestion d’un secteur régulé comme celui des télécoms ou aussi des communications électroniques. Vous savez, réguler ne signifie pas sanctionner, a fortiori juger. Un régulateur doit être un pédagogue et surtout être souple. Il n’est pas sûr que la sanction soit la panacée en régulation. Ceci dit, je crois qu’il y a quand même des sanctions qui ne sont pas forcément sur la place publique. Je crois personnellement que le mode de gestion fondée sur la sanction n’est pas la meilleure. D’ailleurs, un peu partout dans le monde, il est utilisé des outils de gestion fondée sur la conformité ou «Compliance» en anglais.


Vous êtes le créateur du master droit du sport au Sénégal, aujourd’hui comment appréciez-vous la gestion globale de notre sport ?


La gestion de notre sport est celle de tous les pays de tradition francophone ayant quasiment le même niveau de développement que le nôtre. On essaie de combiner les exigences du service public qui veulent que le sport soit pour tous les citoyens avec les exigences du sport professionnel qui repose sur une pratique par quelques-uns et surtout sur la création d’un marché compétitif du sport. Malheureusement, on y arrive difficilement et il y a de gros dilemmes pour les gouvernements : participer dans le concert mondial du sport ou rendre accessible le sport à tous les citoyens, quels que soient leurs niveaux de revenus et leurs situations géographiques. Des arbitrages sont faits, mais pas faciles quand on a des priorités dans tous les secteurs. Rappelez-vous le débat sur les infrastructures de football au Sénégal. Mais pour dire vrai, je crois qu’il y a de très fortes décisions que les pouvoirs publics doivent prendre en faveur de la pratique professionnelle du sport. Par exemple dans le foot, décider d’une restriction drastique du nombre de clubs professionnels. Car, mon avis est que toutes les ASC de foot ne peuvent remplir les exigences du professionnalisme et ce qui se passe actuellement montre une pollution du marché par des clubs qui n’ont rien de professionnel.


Pour le cas particulier de la Fédération sénégalaise de football, aujourd’hui la plus puissante du pays, que pensez-vous de sa gestion ?


Je crois que la fédé de foot est dans son rôle, du point de vue légal. Elle fonctionne, elle fait tenir ses instances régulières, elle réussit grâce à sa gestion de l’équipe nationale À, à engranger des sommes qu’elle réinjecte dans les clubs amateurs et même chez les professionnels. Ce qui est une curiosité bien sénégalaise : le foot amateur qui finance le foot professionnel. Je conseillerais quand même à la fédé de reprendre en main la gestion du foot professionnel, en contrôlant un peu mieux aussi bien la ligue de football professionnelle que les clubs professionnels comme le demandent les textes de la fédération elle-même. Il y a aussi la question du statut du football Navétane qui est très intéressant et qui, à mon avis, mérite une autre place. Je crois sincèrement qu’on peut construire le championnat national de football du Sénégal sur la structuration du Navétane. Attention, je ne dis pas championnat professionnel, mais championnat national amateur. Bref, il y a beaucoup à dire sur la gestion de notre sport dans le sens de son amélioration, malgré les efforts des autorités gouvernementales et sportives. Actuellement, il faut aussi une gestion du foot dans la perspective d’avoir des trophées. C’est une grosse faiblesse de notre football qui est presque une tradition, car même en club, nos dirigeants n’ont jamais réussi à construire un club de dimension africaine dans la durée et donc aucun trophée africain ici au Sénégal : ni club, ni équipe nationale. Nous n’avons pas non plus la tradition d’aller supporter nos équipes nationales. Les Algériens, les Tunisiens et les Egyptiens se déplacent en masse avec des avions pleins. Ici en dehors du 12e Gaindé et Allez casa. Donc un peu d’humilité ne ferait pas de mal surtout quand j’entends des autorités qui ont eu à gérer le foot ou qui gèrent le foot exiger la coupe d’Afrique.


On va vers des jeux olympiques. Pensez-vous que le Sénégal a réellement le potentiel pour gérer ce genre de compétitions ?


Bien sûr que nous avons le potentiel. S’il s’agit des dirigeants, ils sont-là. Quand vous arrivez à vous faire attribuer les jeux olympiques de la jeunesse c’est que vous êtes de bons dirigeants. La volonté politique est là aussi, de même que le talent. Ce qui manque c’est l’organisation et je sais que le comité olympique est en train de mettre en place la stratégie qu’il faut pour s’améliorer. Je sais aussi que notre seule médaille olympique Dia Ba fait de gros efforts pour impliquer dans la stratégie sportive les pratiquants qui ont un vécu du haï niveau. Bref ça bouillonne !
SOPHIE BARRO

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Publié par

Namory BARRY

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