Mané-Sané, des épreuves à surmonter entre frères

vendredi 21 avril 2023 • 2117 lectures • 0 commentaires

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Mané-Sané, des épreuves à surmonter entre frères

La tape de mains entre Leroy Sané et Sadio Mané, à la 64ème minute du match retour Bayern-City, en Ligue des Champions, est peut-être quelque peu anecdotique. Quelle que soit la manière dont cet échange a été opéré, il prouve que le sport est bâti sur un esprit chevaleresque, un esprit de dépassement qui transcende toutes les passions et frustrations.

En faisant sortir Sané pour Mané, Thomas Tuchel a sans doute voulu afficher à la face du monde sportif que le football est à la fois compétition, concurrence mais aussi complémentarité et solidarité. Il est une école de tolérance, au-delà de la passion qu’il charrie.


Sané et Mané ont démontré, à travers cet acte, qu’en sport, comme partout ailleurs dans la vie, nul ne se suffit et que la victoire se construit dans la solidarité. Par conséquent, tout dérapage ou tout acte spontané et incontrôlé, doit être mis sur le compte de ce désir de victoire qui anime tout compétiteur. Cette tape de mains entre ces deux jeunes est apparemment synonyme de réconciliation. Il est à l’image de deux coureurs qui se passent le témoin et qui ont tous envie de victoire. Chacun voulant insuffler une énergie positive à son partenaire et le pousser à la victoire. Dans les matches de football, les buteurs ne sont pas les seuls à exulter. Leurs partenaires s’y associent en toute spontanéité. C’est cette même spontanéité qu’on retrouve dans les vestiaires et qui se manifeste souvent de façon positive, mais parfois aussi de façon négative. C’est ce qui vient de se passer entre Sané et Mané.


Dans une partie où l’un et l’autre étant du même camp, cherchent à se transmettre cette énergie positive qui permet de gagner, si la connexion ne s’établit pas, elle engendre des interférences négatives. Mais, dans la quête de la victoire, il ne saurait y avoir d’adversité encore moins d’animosité entre partenaires.


Mané et Sané, des frères de sang, ne sauraient faire mentir leurs origines communes sénégalaises et surtout casamançaises, là où les lieux de retraite servent à l’initiation à la vie. C’est là où le secret de la forêt et l’éducation à la vie sont dispensés avec ces rites dont les manifestations sont jalousement gardées. C’est au sortir de cette initiation que l’enfant accomplit son passage à l’âge adulte, celui de la sagesse et du discernement. C’est à partir de là aussi qu’il devient un être sociable voire social.


Forgé aux rites du respect de l’ainé et de soumission au groupe, Mané est connu pour sa discipline, sa correction et son respect de l’autre. «N’offensez point, ne commettez jamais de mal gratuit, acceptez l’autre tel qu’il est et vous serez préservé de la sanction qui tombe sur ceux qui enfreignent ce code de conduite. Mais ne vous laissez pas piétiner car il faut rester digne pour sauver votre honneur». C’est la leçon inculquée aux initiés pour affronter les adversités de la vie. Mané n’a jamais transgressé ce code secret, quelles que soient les contraintes et les adversités. Il a toujours été zen sur et en dehors du terrain, affichant cette correction comme une forme de soumission au point de faire croire à une faiblesse de caractère. Ceux qui le prennent comme tel confondent personnalité et attitude. Mané sait encaisser mais refuse de rendre coup pour coup.


Il voue un respect scrupuleux à l’adversaire, fut-il dans les conditions d’agressivité voire de la violence gratuite comme il en a souvent été victime au vu et au su de tout le monde.


Certes, au football, comme dans la plupart des sports de compétitions, on donne parfois des coups, on en reçoit aussi. Cela fait partie des règles du jeu. Mané en a souvent reçu, il en a parfois donné aussi et dans la limite des règles prescrites par la loi du jeu. Les statistiques sont là pour le démontrer : très peu de cartons jaunes, jamais de carton rouge pour agression délibérée. Il ne saurait donc être ce footballeur qui distribue délibérément des coups. Ni sur le terrain ni en dehors. Mané n’en avait jamais donné auparavant, du moins à notre connaissance, même dans des contextes de compétitions où tous les coups sont donnés sans être permis et les agressions délibérées sanctionnées après coup. Sadio a souvent été victime de ce sort réservé aux attaquants qui ont les yeux plus sur la balle que sur l’adversaire.


Je crois savoir que Leroy Sané, malgré le caractère trempé qu’on lui attribue, n’a, lui non plus, jamais usé de violence sur un terrain de football. Certes Leroy Sané n’a pas connu cette trajectoire, lui, l’Allemand de père sénégalais. Si son papa, Souleymane Sané, international sénégalais très apprécié par ses compatriotes pour son bel esprit chevaleresque, lui a donné le nom de son entraineur et ami Claude Leroy, c’est pour démontrer la force de l’amitié. Celle qui transcende les épreuves du moment comme on en vit parfois dans le football. Il est évident que Souleymane Sané et Claude Leroy n’ont pas toujours eu que des moments de gloire dans leurs relations. Ils ont dû ensemble surmonter des épreuves pour se vouer cette estime qui fait de l’un le parrain du fils de l’autre. Ainsi va la vie qui est loin d’être un long fleuve tranquille. C’est dans les épreuves que se forgent les plus solides amitiés.


Assis sur deux cultures et vivant intensément celle qui l’a vu grandir, Leroy Sané bénéficie donc de l’excuse de ceux qui ont été dans le bois sacré et qui savent ce que droit d’ainesse signifie et où l’âge vous astreint à ne jamais porter la voix à un aîné. Il y a donc un véritable choc de cultures que seules les personnes averties peuvent décoder. C’est dire l’importance psychologique du vestiaire et la nécessité de mieux préparer les joueurs à cet environnement multiculturel. Le football, de par la mondialisation de sa pratique et de son attractivité, est devenu un espace de convergence dont il convient de saisir tous les paramètres d’appréciation.


Toutes les incompréhensions procèdent souvent d’une ignorance de l’autre et de la méconnaissance de ces valeurs de civilisation qui ne sont pas forcément identiques et universelles. Le respect de l’autre procède de la reconnaissance de vos différences et de l’acceptation de ce qui fonde votre projet commun : «Nous ne sommes pas nés d’une même culture mais nous avons une valeur commune à défendre, celle du respect et de la reconnaissance des droits de l’autre». Ce principe est certes difficile à accepter dans un monde de compétition et de conflit, de négation de l’autre.


Le sport, en général et le football en particulier sont heureusement des instruments du dialogue de civilisations et d’outils permettant d’asseoir les conditions d’un rendez-vous du donner et du recevoir, au moment où tous les autres instruments universels sont en train de dépérir. Au moment où la pensée unique semble bousculer toutes les richesses d’un monde multiculturel voire multipolaire, il nous faut repenser les rapports comme sait le faire le monde sportif.


C’est dire donc que le football a tout à gagner en réconciliant les sportifs, en créant les conditions d’un rapprochement et d’une acceptation de l’autre.


Mané et Sané sont des frères. Ils ont en commun cette passion du football qui les unit. C’est leur projet sportif et leur raison de vie. Rien ni personne ne doit donc les séparer. Les épreuves du moment sont des étapes dans leur histoire commune. Donc à eux de les surmonter. 


Mamadou KASSÉ


Journaliste


 


 


 


 


 


 


 


 


 

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Publié par

Hubert Mbengue

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